L'avance importante de « La République
en marche » au premier tour des élections et la possibilité de l'avènement de la majorité parlementaire la
plus importante de l’histoire de la 5e République n’arrivent pas à éclipser
une autre réalité des élections législatives de 2017 : le taux de participation le plus faible jamais enregistré en France pour une élection législative. Avec 50,2 pour cent d’abstention, c'est le taux le plus élevé depuis la
première élection législative en France en 1848.
Une
élection législative « subordonnée »
Comme nous l’avons développé ailleurs, la 5ème République en introduisant après 1962 l’élection du Président au suffrage universel direct a créé une hiérarchie entre l’élection
présidentielle et l’élection législative. Comme le montre le graphique
ci-dessous, l’élection présidentielle, depuis sa création, a toujours attiré
plus d’électeurs que l’élection législative.
Le taux d’abstention moyen, en incluant les
deux tours de l’élection présidentielle de 2017 et le premier tour de l’élection
législative de 2017, est ainsi de 20 et 19 pour cent pour les premiers et seconds tours des présidentielles et d’environ 30 et 28 pour cent pour les premiers et seconds tours des législatives (partie gauche du graphique ci-dessous).
Mais le vrai problème est ailleurs, comme le montre la partie droite du graphique. L’abstention est surtout élevée quand l’élection
législative coïncide (barre de droite) ou, plus précisément, suit
une élection présidentielle. Quand les deux ne coïncident pas (barre de gauche), le taux d’abstention
est plus faible. La dernière fois que ce fut le cas, en 1997, l’abstention
s’est limitée à 32 et 29 pour cent aux premier et second tours. Mais quand
elle suit l’élection présidentielle, l’élection législative est transformée en
une élection de confirmation de l’élection présidentielle, comme un troisième
tour d’une élection déjà décidée. Cela se ressent fortement au niveau du taux d'abstention, comme le montre le graphique, qui atteint plus de 37 pour cent en
moyenne.
La réforme constitutionnelle de 2000, en
ramenant le mandat présidentiel à 5 ans, couplée à l'inversion du calendrier électoral qui
met l’élection présidentielle avant l’élection législative ont inscrit dans la durée cette subordination de l’élection législative. Les résultats du
premier tour des élections législatives du 11 juin s’inscrivent ainsi dans la
continuité des élections précédentes : 36 et 40 pour cent d’abstentions en
2002, 40 et 40 en 2007 et 43 et 45 en 2012.
Une
majorité de plus en plus mal élue
Les mécanismes ne sont pas difficiles à
saisir. La logique présidentielle place beaucoup d’espoirs dans le nouveau
président élu, dont les électeurs se mobilisent massivement pour les législatives, alors que les
électeurs des autres candidats se démobilisent tout aussi massivement. Un effet secondaire de cette abstention
croissante est une majorité de plus en plus « mal élue ».
En général quand on parle d’élections, on raisonne sur le pourcentage des votes exprimés, qui seuls déterminent le
nombre de sièges. Le système majoritaire à deux tours en vigueur en France pour les élections législatives depuis 1988 donne une prime importante en siège au parti vainqueur.
Le graphique ci-dessous présente plusieurs informations uniquement pour le parti arrivé en tête à chaque élection législative depuis 1988. En 1988, le PS obtient 37,2 pour cent des voix exprimées au premier tour et 45 pour cent des sièges. La prime est ainsi de 8 pour cent, la plus faible pour les élections ici considérées. En 2002, l’UMP obtient 33,3 pour cent des voix exprimées au premier tour pour, au final, 358 sièges, c’est-à-dire 62 pour cent des sièges et une prime de 29 pour cent (!). Au vu de ces différences, le système électoral français est – à raison – considéré comme un des plus « disproportionnels » au monde.
Le graphique ci-dessous présente plusieurs informations uniquement pour le parti arrivé en tête à chaque élection législative depuis 1988. En 1988, le PS obtient 37,2 pour cent des voix exprimées au premier tour et 45 pour cent des sièges. La prime est ainsi de 8 pour cent, la plus faible pour les élections ici considérées. En 2002, l’UMP obtient 33,3 pour cent des voix exprimées au premier tour pour, au final, 358 sièges, c’est-à-dire 62 pour cent des sièges et une prime de 29 pour cent (!). Au vu de ces différences, le système électoral français est – à raison – considéré comme un des plus « disproportionnels » au monde.
Mais regardons une autre mesure très peu commentée, à savoir le pourcentage des inscrits obtenus par le
parti arrivé premier (et non le pourcentage des exprimés). Et là, la disproportionnalité devient encore plus
importante. Avec le déclin de la participation aux élections législatives, la prime
au gagnant s’accroît de manière – presque – exponentielle. Par exemple, en 2012, le
PS a obtenu 48,5 pour cent des sièges avec 16,5 pour cent des inscrits.
Pire encore, selon la fourchette basse des estimations pour le second tour du dimanche 18 juin (400 sièges), « La République en marche » est
susceptible d’obtenir au moins 69 pour cent des sièges avec 28 pour cent des voix
exprimées et seulement 13,5 pour cent des inscrits au premier tour. Quoi qu’il arrive dimanche
prochain, la majorité élue sera peut être la plus forte de l’histoire de la 5ème
République mais aussi la plus mal élue, quelle que soit la mesure utilisée (votes
exprimés ou inscrits).
Au vu de ces quelques chiffres, il paraît
urgent d’engager une vraie réflexion sur l’avenir des institutions et, plus
particulièrement, la place des élections législatives et de l’Assemblée
nationale. Il est très problématique, d’un point de vue démocratique, de voir
les élections qui déterminent la majorité gouvernementale dévalorisées à ce
point. A terme, c’est la légitimité des gouvernements et donc aussi celle de leurs
décisions et de leurs politiques qui risquent d’en pâtir.
Il existe, pourtant, des pistes de réflexion. Pratiquement
tous les candidats aux élections présidentielles de 2017, y compris le
président élu, se sont déclarés favorables à un système électoral plus
proportionnel, même si la formule utilisée, « introduire une dose de proportionnalité »,
est extrêmement vague. Ce serait sans doute une piste à explorer plus
sérieusement. L’ordre du calendrier électoral en serait une autre. L’important
est de lancer un débat, maintenant que la période électorale est – presque –
terminée et de faire en sorte que ce débat dépasse les intérêts particuliers de
certains partis. Les résultats électoraux décevants pour les partis qui ont historiquement
dominé la vie politique de la 5ème République ouvrent à ce titre
une opportunité sans doute unique. Espérons que la nouvelle majorité la
saisisse.
Emiliano Grossman
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