mardi 4 février 2014

Hollande et les sondages: les limites du modèle politique français

Les taux de popularité de François Hollande ont atteint un nouveau record négatif. en passant en dessous de la barre de 20 pour cent selon un sondage réalisé début février. Cette popularité anormalement basse pose question. Certains appellent à dissoudre l'Assemblée nationale, d'autres même à la démission du président. Et pourtant, l'impopularité du président n'est pas un phénomène nouveau. Elle découle des attentes excessives qu'ont les électeurs vis-à-vis de leur président.

L'origine de ces attentes est à chercher dans le code génétique des institutions de la 5e République, de plus en plus inadapté à la réalité de la vie politique. La 5e République a des mérites indéniables. Elle a permis, dans un contexte politique particulier, de sauvegarder la République. Alors que celle-ci était menacée, les constituants de 1958 ont placé tous leurs espoirs dans la personne du Général de Gaulle. Malgré les critiques de ce régime, la distance historique permet de porter un jugement très positif sur ce changement. Mais c'est cette distance historique qui nous permet aussi de juger ce régime aujourd'hui comme complètement obsolète.
Nombre de choses ont changé depuis l'époque du Général de Gaulle. Nos gouvernements sont désormais pris dans un filet complexe de réglementations européennes et internationales qui contraignent fortement l'autonomie des gouvernants. La libre circulation des capitaux et la monnaie unique ancrent la France dans l'économie européennes et mondiale. Nos produits et nos emplois sont en concurrence permanente avec ceux de pays à l'autre bout du globe.

Et pourtant, les institutions et la compétition politique en France restent tributaires de la vision politique du général de Gaulle. La principale échéance électorale, l'élection présidentielle, oppose des individus qui doivent faire croire qu'ils pourront, à eux seuls, remettre en route l'économie et l'emploi, accroître l'influence de la France dans le monde et dans l'Union européenne, combattre la fracture sociale et améliorer le sentiment de sécurité. La fonction présidentielle est ainsi faite : elle doit être incarnée par un homme providentiel investi de tous nos espoirs et attentes. Et la victoire est au prix de promesses de campagne ambitieuses et fondamentalement irréalistes.
Le contraste est saisissant avec les récentes élections législatives en Allemagne, où le principal message du gouvernement sortant a consisté à promettre plus de la même chose : « pour que l'Allemagne continue à être bien gouvernée », pouvait-on lire sur l'une des principales affiches électorales. Le système politique allemand ne fait pas, en effet, reposer toute la responsabilité des politiques sur les seules épaules du chancelier. Le chancelier est avant tout un courtier politique qui doit faire coexister un grand nombre de parties et d'institutions. C'est l'ensemble de ces acteurs qui est alors tenu responsable des résultats et non pas le seul chef de l'exécutif.

Étant donné l'interdépendance croissante de la France vis-à-vis de ses partenaires, les promesses des présidents se révèlent rapidement intenables. En effet, le président français ne peut ni relancer la croissance à lui tout seul, ni réformer la finance internationale et encore moins les traités européens. La déception est alors à la hauteur de l'ambition des promesses. Et ce n'est pas nouveau (voir aussi cette note de l'IFOP). La chute vertigineuse de la popularité de François Hollande n'a certes pas d'égal dans l'histoire de la 5e République comme le montre le graphique ci-dessous (données IFOP), mais ses deux prédécesseurs ont tous les deux battu des records d'impopularité. Giscard et Mitterrand, malgré des hauts et de bas, n'avaient pas connu des périodes de déclin aussi longues.

En effet, depuis désormais vingt ans, les Français sont de plus en plus rapidement et de plus en plus fortement déçus de leurs présidents. Ils ont tous une popularité 'nette' (c'est-à-dire les bonnes opinions moins les mauvaises opinions) importante au début de leurs mandats, mais celle-ci dégringole très rapidement. Mais surtout, contrairement  à ce qui a pu se passer pour les présidents précédents, les trois derniers présidents ne s'en remettent pas. Les symptômes et les conséquences sont connues : une désaffection croissante pour les partis et les politiques, des alternances presque systématiques, des votes pour des partis populistes pour ne citer que les phénomènes les plus connus.

Et cela ne risque pas de changer, tant que la principale échéance électorale consistera à élire un homme providentiel, capable de trouver seul des solutions à tous les problèmes de la France, de l'Europe et au-delà. Gouverner est aujourd'hui un acte collectif, impliquant un grand nombre d'acteurs gouvernementaux et sociétaux, publics e privés, nationaux et internationaux. Et les institutions doivent éviter de faire croire qu'il en est autrement. Les débats sur la réforme des institutions reviennent régulièrement, mais aucune des forces politiques présentes ne semble déterminée à s'y lancer sérieusement. C'est pourtant de plus en plus urgent. Seul un plus grand équilibre des pouvoirs peut permettre de renouveler la confiance des électeurs dans les politiques en proposant une image plus réaliste des responsabilités et des capacités de nos gouvernants. Et au vu des défis qui les attendent, ils auront besoin de cette confiance.

Emiliano Grossman


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3 commentaires:

  1. Cher collègue, et nouveau blogueur, je ne peux que partager votre analyse, à ce petit détail près, il ne me semble pas que l'électorat français soit prêt dans sa majorité à comprendre ce phénomène. La demande de l'homme providentiel reste forte dans notre pays, je crois avoir vu passer un sondage récent où plus de 80% des sondés attendaient un "vrai chef" à la tête de la France (sans qu'on puisse savoir ce que les enquêtés veulent dire par là précisément). Les grands partis ne sont pas prêts d'abandonner l'élection du Président au suffrage universel direct. A mon sens, on ne passera à une vision plus raisonnable du fonctionnement politique nécessaire qu'après une catastrophe nationale due justement à un vrai chef! Les Français restent sur l'idée qu'ils ont été sauvé en 1940-44 et en 1958-1962 par un vrai chef. Inversement, la IIIème République, régime parlementaire sans chef bien établi, est la fille de la défaite de Sedan; la VIème République, si elle finit par exister, sera la fille d'une catastrophe à venir d'un ampleur qui dépasse sans doute notre imagination.

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  2. Juste un détail à propos de l'affirmation "Étant donné l'interdépendance croissante de la France vis-à-vis de ses partenaires, les promesses des présidents se révèlent rapidement intenables." : est-il bien correct de qualifier de "partenaires" les pays, ou plutôt les économies nationales, dont l'interdépendance avec l'économie française réduit la marge de manœuvre politique et économique du président français ? Si elles n'étaient que "partenaire", cette interdépendance serait conertée et transparente. Ne serait-ce pas plutôt parce que ces économies sont, à la fois, partenaires et concurrentes, que le problème se pose ?

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  3. si, c'est certain, gibus. simplement, l'objectif n'était pas d'analyser les origines de cette interdépendance, mais simplement d'en établir le constat. après, l'ouverture des frontières aux capitaux, biens et services est une décision prise assez consensuellement par des générations successives de représentants élus français. donc, on pourrait dire que les présidents français sont eux-mêmes responsables de la situation dont ils sont victimes...

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